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Valeur TRAVAIL - Choix de société



Mardi 07 février 2023 s'est tenu une manifestation sur l'ensemble du territoire Français pour marquer l'opposition au projet de loi visant à repousser l'âge légal de la retraite à 64 ans.


Cette cristallisation autour de ce sujet occulte un débat fondamental sur la valeur du travail dans notre société.





La valeur du travail pose un débat de fond totalement dévoyé par des politiciens qui, une fois de plus, sont hors-sol. Incompétent et/ou malhonnête à chacun de se faire son opinion, je ne suis pas là pour cela.


Deux lauréats :

  • Gérald Darmanin qui fustigeait le gauchisme (et ses bobos) auquel il oppose les belles valeurs du travail, de l'effort et du mérite (source : Le Parisien).

  • Sandrine Rousseau qui revendique « le droit à la paresse » et considère que la valeur travail est une valeur de « droite » (source : FRANCE Info).

Évidemment, les deux occultent complètement la définition du travail dans notre société.


D’où vient cette idée du droit à la paresse ? C’est en fait une référence à un livre écrit à la fin du 19e siècle par Paul Lafargue. Le problème est que dans le contexte actuel, cette référence a tout obscurci.

En effet, il existe effectivement un débat autour du travail mais il n'a absolument rien à voir avec une quelconque revendication à la paresse.


Pour comprendre tout ça, il faut revenir au sociologue Bernard Friot et à ses travaux qui nous confrontent à un paradoxe perturbant.


Comment se fait-il que nous soyons incapables de percevoir le travail en dehors d'un rapport marchand ou salarial ?

Par exemple :


  • -Une femme qui reste chez elle pour s'occuper de ses enfants, on dira qu'elle ne travaille pas, elle est femme au foyer. En revanche, une assistante maternelle qui fait la même chose et qui s'occupe d'un ou plusieurs enfants, on considère que cette dernière travaille.

  • Un professeur de français qui, sur son temps libre offre des cours d'alphabétisation, on dira que c'est un engagement. En revanche, pour un prof embauché par une association pour faire de l'alphabétisation, il s’agit d’un travail.

Etc…


A travers ces exemples, vous comprendrez qu’à chaque fois l'activité est la même et surtout la valeur créée pour la collectivité est la même. Cependant, parfois cette activité est considérée comme étant un travail et parfois elle est un loisir.


Comment expliquer ce paradoxe ?

Pour le comprendre, il faut revenir à la définition même de ce qu'est le travail du point de vue de l'idéologie dominante, c'est-à-dire l'idéologie libérale capitaliste. Selon cette doctrine, le travail en tant qu activité, le travail concret, n'a pas de valeur. Ce qui lui donne de la valeur est quelque chose de beaucoup plus abstrait. C’est le fait d'aller vendre son activité sur un marché (le marché des biens et des services pour les travailleurs indépendants, le marché du travail pour les salariés…)


Ce que ne disent pas ceux qui revendiquent la valeur travail ? C’est que, pour eux, le travail n'a pas de valeur en soi et ça n'est que le marché qui lui donne de la valeur.


Ce que propose Bernard Friot, c'est de sortir de cette conception et de considérer assez naturellement que les êtres humains sont par nature travailleurs. Notre activité concrète au quotidien est un travail même quand elle ne s'insère pas sur un marché. Cela signifie donc que l’on peut travailler même lorsque l’on n'est pas rémunéré.



Concrètement, qu'est-ce que ces conceptions changent dans le débat des retraites et du rapport au travail ?


Absolument tout !


En effet, si on accepte ce changement de paradigme, alors une bonne partie des retraités n'exerce pas un droit au repos et encore moins un droit à la paresse.


Ils travaillent mais avec une différence de taille puisqu’ils le font librement, dans la mesure où leurs pensions sont versées, quoi qu'il arrive. Ils ne sont soumis ni à la pression de clients ni au bon vouloir d'un employeur.


Que constate-t-on ? C'est que, de fait, ça marche !



Les retraités travaillent en créant de la richesse pour la société. Les grands-parents gardant leurs enfants, les personnes investies dans des associations… La production culturelle, l'engagement associatif, la prise en charge de la petite enfance, le soutien aux personnes sont des secteurs qui reposent largement sur le travail libre des retraités.


A ce stade, si vous n’êtes pas convaincus, vous penserez que cette approche n’est pas applicable dans notre monde capitaliste. Et pourtant, cette croyance est fausse. Pour preuve, cette notion de travail non rémunéré est déjà prise en compte en 1945, lorsque le régime général de la sécurité sociale est créé. La retraite est conçue comme un salaire continu car les retraités restent intrinsèquement productifs. En 1982, lorsque François Mitterrand avance l'âge de la retraite à 60 ans, c'est la même idée : garantir une période de la vie où les individus sont encore assez en forme pour pouvoir contribuer à la société librement comme ils l'entendent.


Aujourd’hui, toute la question est de savoir si nous voulons préserver cette vision de la retraite ? Dans ce cas, la priorité est de sanctuariser le temps passé en retraite et donc de chercher d'autres sources de financement.


A l'inverse, on peut aussi se satisfaire d'une appréhension plus capitaliste de la retraite. Dans ce cas, c'est le marché qui confère au travail sa légitimité et il convient d’exiger que les individus restent sur ce marché aussi longtemps qu'ils le doivent pour équilibrer le système.


Mon intention ici n'est pas de faire de la politique mais de souligner que le débat a été mal posé car personne aujourd'hui ne revendique sérieusement de se rouler dans la paresse.

Tout le monde souscrit à l'idée qu'il y ait de la valeur dans le travail.


La vraie question est de savoir quel sens nous voulons donner au travail.

La réforme des retraites n'est absolument pas une réforme technique, portant sur le fait de travailler jusqu’à 64 ans, mais bien un véritable choix de société.


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